Nous sommes toujours à l’automne 2012 durant mon exploration du Japon…
Le coté urbain de Tokyo est très intense. Son dynamisme nous emporte lorsque l’on se retrouve mêlé à la foule. Suivre ce rythme, cette cadence nécessite d’être en bonne forme physique ce qui n’est pas mon cas.
J’ai besoin de calme…
J’ai besoin de vert…
J’ai besoin de respirer l’histoire du Japon à un rythme très ralenti…
Kamakura et son Buddha géant est la bonne destination.
Je suis exténué par l’ascension de la veille mais cela ne m’empêche pas de me lever tôt afin d’activer mon JP Pass.
Ce fameux Pass réservé exclusivement aux étrangers qui souhaitent emprunter le réseau ferré national pour parcourir tout le Japon.
Non pas que les Japonais eux même ne puissent pas bénéficier d’un forfait leur permettant de prendre les transports de façon illimitée sur une période donnée…Le JR Pass est proposé à un prix parait-il plus agressif.
J’ai prix un forfait de 7 jours à près de 300 euros ce qui me semble déjà à mon niveau relativement cher…Je n’ose donc imaginer le tarif réservé aux locaux.
Kamakura…
Une ville qui accueille les plus vieux temples et sanctuaires du pays, après ceux de Nara.
Arrivé à Kamakura, il fait soleil, doux et ciel bleu.
Je décide de ne pas me rendre dans l’immédiat dans les temples à proximité. Je prends un petit train local dans une petite gare à l’ancienne…quelques stations plus tard (à 5 minutes) et quelques écoliers Japonais très beaux avec leur chapeau jaune, j’arrive enfin dans cette petite ville…
Afin de me rendre vers le Buddha, il me faut emprunter la rue principale…une rue pleine de charme, bordée de petites boutiques à touristes, de petits restaurants bui-bui faisant découvrir les spécialités locales…
J’aime cette ambiance…c’est finalement celle que j’étais venu chercher dans ce pays…
Loin des foules…
Loin du brouhaha
Loin de l’excentricité…
Tous les ingrédients sont réunis pour que je me repose l’esprit et le corps après ces deux journées d’effort…
Plus que quelques mètres à parcourir…quelques touristes à croiser et j’y suis…
Je me rapproche et se dessine non loin de moi cette forme…une masse imposante…
Quelque soit sa foi, il est évident qu’on ne peut rester insensible à la beauté de ce monument.
La mienne me dicte de ne pas la vénérer.
Mon cœur d’homme admire cette œuvre d’art…
Ce Buddha est beau.
Calme…
Sérénité…
Maitrise de soi…
Voilà ce que cette œuvre m’inspire…
Il s’agit d’une belle introduction aux nombreuses œuvres d’art que je m’attends à voir tout au long de la journée.
Il est temps pour moi de continuer mon parcours en revenant sur mes pas…
Je rejoins cette fameuse petite gare…pleine de charme et qui participe à ma bonne humeur du moment.
Le train arrive…
5 minutes plus tard je me retrouve au centre de Kamakura.
Je repère sur le plan les quelques temples au sein desquels je souhaite me perdre. Pour le premier d’entre eux, il me faut aborder une longue ligne droite.
Un Torii est là pour m’accueillir…
Des boutiques d’artisans proposant des spécialités en tout genre…
Quelques restaurants…
Je marche…calmement…à mon rythme…qui n’est évidemment pas celui de Tokyo…
J’arrive dans le premier d’entre eux… il est imposant…une longue allée doit être traversée pour le rejoindre.
Je remarque également la présence d’une foule conséquente…touristes, écoliers, japonais…
Je ne suis pas emballé malgré la beauté des lieux car je souhaitais justement fuir la foule afin de mieux admirer…sentir…absorber ce que le Japon a à m’offrir de mieux…
J’oublie vite ce désagrément occasionnel lorsque je me retrouve dans un lieu de prière…isolé de la foule
Des colombes…
Un lac…
Ont eu raison de ma petite irritation…
Puis je visite le temple et son musée…sans trop m’attarder…
Je ressens trop le besoin de m’isoler l’esprit.
Je continue ma route…
Plus je m’éloigne vers un second temple…moins je vois de monde.
C’est bon signe…
Le second temple est à 15/20 minutes de marche.
J’arrive sur les lieux…
À ma grande surprise…agréable surprise…
Je note que ce qu’il est appelé « Temple » dans les plans destinés aux touristes, ne se résument pas en réalité à un seul bâtiment…
Il s’agit d’une véritable zone…un quartier…dans lequel peut se trouver plusieurs temples et lieux de prière.
C’est le cas pour celui-ci qui m’accueille avec l’un de ces magnifiques temples japonais.
La structure semble être solide.
Je suis surpris de voir comment celui-ci est supporté par des ‘pieds’ en guise de fondation.
Je ne suis pas spécialiste du génie civil mais c’est selon moi le rôle qu’ont ces sortes de mat dont le diamètre est important.
J’aperçois quelques moines en tenue traditionnelle.
Je continue mon chemin en ces lieux.
Les bâtiments sont beaux.
Une japonaise, qui parle anglais et qui visite également les lieux, m’indique que cette journée est spéciale, ce qui explique la présence de quelques personnes faisant des travaux.
En effet, aujourd’hui a lieu une cérémonie pour élever un moine au plus au rang qui puisse exister.
C’est du moins ce que j’ai compris.
Les travaux ne gênent pas la visite des lieux…il y a peu de monde…je retrouve la paix.
Je suis invité à visiter l’intérieur d’un temple.
Les chaussures doivent rester à l’extérieur…La dame Japonaise n’est pas loin de moi.
Je pénètre dans l’enceinte.
Je découvre les pièces dont l’agencement est d’origine.
Agencement…ce terme est plutôt adapté à un appartement…une maison…mais peut on parler d’agencement quand il s’agit de pièces où il n’y a rien…ou du moins le stricte minimum ?
Des tatamis, portes coulissantes et quelques décorations sur celles-ci…
Le paradoxe est que ce vide est beau, agréable et paisible.
Les moines s’activent pour disposer quelques objets traditionnels sur les lieux…ils ne font pas réellement attention à la japonaise et moi-même…
Nous sommes tous les deux impressionnés par la beauté des lieux.
Nous continuons notre chemin…
Un chemin qui nous amène à un jardin.
Enfin….j’y suis…
Après ces quelques jours passés ici…
Après avoir attendu toutes ces années…Je peux enfin me reposer l’esprit dans l’un de ces jardins paisibles.
Je suis seul à cet instant.
Je m’assieds…
Je respire doucement.
Je regarde…
J’observe…
Je me retrouve…
Depuis mon arrivée au Japon, je n’ai aucune nouvelle de ce qu’il se passe dans le monde…et le monde m’importe peu.
Seule ma tranquillité compte.
Attitude égoïste mais nécessaire.
Car c’est « moi » que je suis venu chercher ici…
La dame japonaise me rejoint au bout de quelques minutes…
Elle s’assied près de moi et nous commençons à discuter…
Echanger…
La raison de ma présence ici…
La raison de sa présence à elle…
Elle parle bien anglais.
Elle doit avoir entre 40 et 50 ans et elle est l’une des victimes de Fukushima.
Elle devient vite ma nouvelle amie pour la journée car nous nous quitteront que tard dans la nuit, après le diner et nos multiples visites des temples de Kamakura.
Elle n’a pas d’enfants, n’a plus de famille.
Elle enseignait semble t il la musique à Fukushima.
Elle m’indique que ça fait un an, depuis la catastrophe qu’elle parcourt tout le Japon.
Par nécessité et par envie.
Par nécessité, car elle est l’une des rare personnes au Japon ayant compris les failles du système d’indemnisation des victimes par le gouvernement. Elle m’informe qu’il y a plusieurs modes d’indemnisation par différents organismes publiques. Parmi celles-ci, il existe les indemnisations des préfectures qui imposent pour seule contrainte, de vivre minimum 1 mois ou 2 dans une ville rattachée. Chaque préfecture est autonome et accorde donc des indemnisations indépendamment des préfectures voisines. Cette femme a donc eut l’idée de se déplacer tous les 1 ou 2 mois afin de bénéficier d’un maximum d’aide. Elle insiste sur le fait qu’elle ne fait rien d’illégal. Je la rejoins entièrement sur ce point. Elle ne fait que profiter d’un système qui est mis en place. D’autant plus qu’en tant que victime de Fukushima, elle a le droit de bénéficier d’un logement gratuit dans chaque préfecture où elle réside.
Elle m’annonce donc qu’elle a actuellement plusieurs adresses à travers tout le Japon…qu’elle n’est pas pressée de retravailler car elle veut démarrer une nouvelle vie et une nouvelle activité.
Elle ne manque pas d’argent. Le gouvernement japonais est généreux bien que des discussions et des débats entre politiques commencent à apparaitre du fait que les fonds accordés aux victimes ne sont pas inépuisables.
La dame japonaise et moi-même continuons notre route car elle me propose de visiter les temples avec moi…j’accepte volontiers.
Notre route nous amène vers un sanctuaire…plusieurs tombes s’y trouvent au milieu d’un petit bois.
Je trouve le lieu magique, beau et mystérieux.
Elle est étonnée de mon admiration de ces lieux.
Je lui indique que je ne sais pas moi-même l’expliquer si ce n’est par le fait que l’atmosphère est si paisible et ce bois, cette nature sublime cet endroit.
Je lui indique qu’à Paris, j’ai réalisé quelques promenades dans un lieu équivalent : le cimetière du Père-Lachaise.
Non pas que d’être entouré de morts suscite chez moi un apaisement particulier…
Avant même de penser à l’aspect morbide…c’est l’esthétisme des lieux qui provoque chez moi cette admiration.
Car ces lieux sont beaux…et mystiques.
Nous continuons notre route vers un dernier temple…
Il est 16h00 et la plupart des temples et sanctuaires ne sont plus accessibles au public à partir de 17h00.
La dame japonaise a déjà visité le temple vers lequel je me rends. Elle a la gentillesse de me dire qu’elle m’attendra à l’entrée, assise pendant que je visiterai les lieux en prenant tout mon temps.
Elle connait la valeur de ses moments et l’importance pour chaque individu de pouvoir pleinement profiter des lieux.
Ce temple est magnifique…
Le soleil est couchant…
La verdure se mêle parfaitement aux murs.
Il n’y a pratiquement plus de visiteurs.
Je me sens bien, apaisé, seul avec moi-même.
On se vide littéralement l’esprit quand on parcourt ces lieux.
Le ciel va bientôt se coucher… Je rejoins la dame japonaise qui m’avait attendu pendant près d’1 heure sur un banc en train de lire.
Je décide pour la remercier d’avoir été mon guide et mon interprète durant cette journée, de l’inviter à diner dans un des restaurants du centre ville.
Nous le rejoignons en train car cette marche tout au long de la journée nous avait énormément éloigné du centre.
A Kamakura, les temples sont répartis sur une large superficie.
Arrivés à Kamakura, nous décidons, avant d’aller diner, de parcourir la rue piétonne commerçante. Cette rue est parallèle à la longue rue que j’avais empruntée lors de mon arrivée dans ville.
La promenade nocturne commence par la plus belle des manières puisqu’à l’entrée de la rue se trouve une boutique entièrement dédiée à l’univers du créateur de mangas animés Miyazaki. Une légende vivante connue dans le monde entier qui offre un univers qui lui est propre et qui a d’ailleurs fait sa marque de fabrique.
La nuit est douce…illuminée par les nombreuses boutiques en tout genre.
Traversée cette rue en pleine nuit est la meilleure conclusion à cette journée.
Lors du diner dans un petit restaurant, la dame japonaise me révèle qu’avant la catastrophe, elle gagnait beaucoup d’argent et le dépensait sans compter. Aujourd’hui, elle ne travaille plus, par choix….mais elle a reçu de nombreuses indemnités…elle a gagné en 6 mois ce que je gagne en 3 ans de travail. Cependant Fukushima, au-delà de la tragédie, a également créé un choc des mentalités. Un élan de solidarité s’est créé entre les japonais. Et à titre individuel, elle fait désormais attention à chaque Yen dépensé et ne souhaite plus dépenser, acheter, consommer à l’excès et sans réfléchir tel que c’était le cas durant toute sa vie.
Nous rentrons ensemble vers Tokyo.
Nous nous séparons.
Cette journée à Kamakura était magnifique.
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